vendredi 10 mai 2013

La ligne jaune

"Et toi là bas !
Moi ?
Oui toi ! Tu crois que je ne t'ai pas vu...
Hein ?
La ligne jaune, abruti...! 
Quoi la ligne jaune ?
Tu ne franchis pas la ligne jaune ok ?"


C'est un peu l'impression qui m'habite en ce moment, celle de franchir parfois une ligne jaune invisible. Derrière cette ligne, tu m'imagines bien policé, bien tranquille, sage comme une image. Celui qui observe tout en silence qui n'intervient qu'en brossant le sens du poil, qui ne dit rien ou si peu. Tu m'aimes bien au fond, car je fais un peu d'humour, j'utilise tes mêmes codes, la dérision, le second degré. Je suis un suiveur discret, qui ne dit mot consent. Lorsque la mécanique se répète, elle rassure, elle endort. Tu sais comment je vais réagir lorsque je suis derrière la ligne jaune. Je suis si prévisible.
 

Tu crois me connaître...ouais tu crois. Mais moi je la vois bien cette ligne jaune, celle que l'autre con refuse que je traverse car il sait comment je suis de l'autre côté, rebelle et acerbe, prêt à sortir les griffes pour mieux t'écorcher quand tu m'énerves à me prendre la tête, lorsque tu fais acte de cynisme infecte et de méchanceté gratuite, sous cette couverture factice d'un pseudo humour dont tu prétends par la suite n'être finalement point dépositaire...Pourtant tu devrais savoir que ce qui est écrit reste et qu'il manque le son à tes mots pour y apporter de la nuance...alors oui j'ai souvent envie de franchir cette putain de ligne jaune pour te rentrer dans le lard lorsque j'estime que tu vas trop loin à mon goût.


 Ah cette ligne jaune qui me nargue mais me contient docilement. Je sais que la franchir n'est pas sans conséquence. Le territoire qu'elle protège est sauvage et dangereux. Chaque pas hors piste peut-être fatal sans retour en arrière possible. Tu ne m'as point encore vu la violer. Je me l'interdis. Danger. Ma ligne jaune, ma limite, celle que j'ai appris à entrevoir pendant mes plus jeunes années. Tu m'as sans doute surpris à jouer au funambule avec elle quoique tu n'as vraiment pas su interpréter les signes lorsque tu as senti une rupture de ton. Parce ce que je t'ai protégé aussi. Je le fais souvent. Tu ne le vois pas...enfin pas toi. Naturellement, en douceur, sans faire de vagues, je m'éloigne de la ligne jaune. Je feinte. J'esquive ou je me tais. La pression retombe....la mécanique qui rassure reprend le dessus. Je reste bien sage derrière ma ligne.

Ma ligne jaune. Mon mur infranchissable.

8 commentaires:

  1. Cette ligne jaune, celle derrière laquelle il est finalement bien commode pour tout le monde (moi/nous comme eux) de se ranger, je la connais bien pour avoir la même. Je l'aime bien parce qu'elle m'évite de m'emporter, me laissant ronger mon frein dans mon coin. Avec elle, les brouilles sont limitées voire inexistantes, le ton reste policé et le silence prend la place de la parole lorsque celle-ci risque de déraper. Je ne sais pas trop d'où elle vient ni pourquoi elle est là mais je fais avec. Je sais que de l'autre côté est la terre de la méchanceté, d'une cruauté froide et aveugle qui se manifeste quand même bien un peu de temps en temps. Je ne sais guère ce que seraient les conséquences d'un franchissement et je crois que je n'ai pas trop envie de savoir... Après tout, cette ligne jaune que nous avons certainement tout un peu, n'est-elle pas ce qui nous permet de vivre ensemble ? Dans des faux-semblants parfois, certes, mais en bonne intelligence...

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    1. Chez moi elle me vient clairement de mon éducation. :-) et elle se cultive par ma propension à m'effacer et me taire pour éviter de trop me dévoiler

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  2. Des fois j'ai bien envie de la franchir allègrement quand je vois que ceux qui y sont en permanence de l'autre côté ont l'air de ne rien subir de la vie. A croire que la méchanceté protège des malheurs...

    Puis je me ravise en me disant que cette ligne c'est celle qui me sépare des salauds des gens biens :)

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    1. Oui les sans limites de croient les plus forts et au dessus de la mêlée

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  3. Ton billet fait étrangement écho à l'un de mes dernier brouillons non publiés. Vivre le jeu social suppose certaines concessions.

    Mais au fond qui pose les règles du jeu : les autres, nous-même, ou nous même indirectement à travers le regard des autres ?

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    1. Je sais que je me limite pour éviter de choquer et d'être mis à l'écart. .. je le suis déjà suffisamment de base

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  4. Moi perso, j'ai nuancé la chose me concernant. J'ai une double ligne jaune. La première est celle présente depuis ma tendre enfance et née de l'éducation de mes parents. Elle restera présente quoiqu'il arrive.
    Cependant depuis quelques années, j'ai tracé une deuxième ligne qui me sert de soupape. Elle me permet d'exprimer mes émotions (contenues depuis trop longtemps) de temps à autre en restant toutefois assez correct et poli pour ne pas choquer ou brusquer les personnes en face.
    Mais après avoir passer la 2ème ligne, il ne faut vraiment pas venir me demander de me calmer. Une personne ayant réussi ce coup de force s'en souvient généralement assez bien...

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