mardi 24 juin 2014

Erosion

Et voilà presque deux ans que tu es là-bas...et déjà tu as envie de te barrer. Tu as commencé le test de désintégration depuis moins d'une semaine. Cela te démanges pourtant, tu zones toujours au même moment, tu les suis de loin. Tu sais qu'une certaine richesse humaine existe. Tu en as eu la preuve à plusieurs reprises...mais tu te sens toujours en décalage. Cela te bloque. Tu ne sais plus quoi dire ni faire. Pour exister là-bas, il faudrait presque y camper un personnage haut en couleur avec des réflexions pertinentes et impertinentes, conjuguer le politiquement correct à tous les temps, avoir un avis sur tout, être un mouton de Panurge, vomir sa bile, exceller dans le mérycisme des mêmes idées et des mêmes attaques...Tu les aimes pourtant mais tu ne sais pas vraiment t'intégrer car tu as l'impression que tu n'y as pas ta place. Tu te sens comme un alien, un étranger parce que tu te sens hors du jeu, hors la loi parmi tes semblables, quasi lisse sans aucune aspérité alors que tu sais que ce n'est pas le cas.


Alors tu t'éloignes progressivement, tu t'effaces comme tu sais si bien le faire. Tu as tord comme toujours aussi.
Tu cherches aussi des raisons pour le faire. Ah oui tu cherches... Tu pourrais en éliminer certains, ceux qui polluent ton espace. C'est tellement facile de jeter quelqu'un, une case à cocher. C'est un beau résumé de notre société. Une case à cocher. Un like. Un j'aime. Un poke. Un favori. Et pourtant quelle violence inside...du prêt à consommer pour ceux et celles qui revendiquent du respect et de la reconnaissance. Quel beau paradoxe !
Tu voudrais du léger, du rire, du fun, de la finesse...tu ressens toujours ce monde de brutes. Tu es agressé régulièrement en 140 caractères par ceux qui se croient des fins analystes du monde. Tu ouvres ton fil. Tu es submergé par les fantasmes de tes abonnements, par cette hypersexualité fictive so tendance, des frustrés de la libido. Tu dois plaire, tu dois charmer, tu dois séduire. Tu dois te dévêtir. Ta pudeur est montrée du doigt parce qu'ils ne te croient pas. Tu n'es pas un ange comme ils disent. Alien. Etranger. Hors la loi.


Overdose. Cure de désintoxication.


Alors tu t'éloignes, tu t'effaces...prêt à un reset.


samedi 7 juin 2014

Page 1

Noir obscur, un soir de novembre. Le ciel dégueulait ses flots sur l'avenue. Un mois que la météo s'acharnait à jouer le même scénario. Les égouts peinaient à évacuer le trop plein. Les caves se transformaient en piscine. Il y bien longtemps qu'elles ne conservaient plus de vin.
Peu importe la colère des cieux, pour lui c'était déjà la fin.
Ploc...ploc...ploc...
1h24...le cadran fût brisé. 
Ploc...ploc...ploc...
De la poudre blanche éparpillée, des bouteilles d'alcool brisées, des papiers qui jonchaient le parquet. Et une flaque.
Ploc...ploc...ploc...
Il n'a pas eu le temps de crier. Pas eu l'occasion de regarder derrière lui lorsqu'il est rentré chez lui. Le calme était ordinaire. Seules ses bottes crissaient sur le sol. Avec ce temps, c'était bien le seul accessoire à la mode qu'il devait s'accorder. On lui avait pourtant promis une toute autre vie. Il devait faire des sacrifices. Pour le bien de tous lui avait-t-on rappeler sans cesse à chaque fois qu'il devait se soumettre.
Ploc...ploc...ploc...
La flaque gagnait en diamètre. Des filets trottaient le long des lattes.
Ploc...ploc...ploc...
Encore un jour...peut-être deux...son supplice allait forcément s'arrêter. On lui avait fait des promesses. Il était celui qui allait tout changer. Il fût saisi d'un fort pressentiment. Il se dirigea vers sa chambre. Il ouvrit le tiroir de sa commode. La panique le saisit d'un coup. Sa petite boite noire avait disparu. Il vérifia trois fois. Il vida le contenu des autres tiroirs. Rien...
Il s'effondra au sol. Brutalement. 
Ploc...ploc...ploc...
Rouge. 
Ploc...ploc...ploc...
Pas le bruit de la pluie...non...définitivement non.


5h42. Le bruit strident de l'alarme le tira de son sommeil de plomb. Il regarda le message qui clignotait sur l'écran. 
"Encore un"...suivit de l'adresse. Signé Alexia.
Et merde...fût la première pensée de Baptiste. Il posa un regard furtif de l'autre côté du lit. Pas l'ombre d'un mouvement. Juste une respiration calme et sereine.